Par la rédaction de Challenge Bonheur
Comment stimuler votre esprit créatif ? Depuis la légende d’Archimède s’exclamant « Euréka » dans son bain, nous avons l’intuition que les idées les plus originales surgissent souvent aux moments les plus inattendus, et rarement lorsque nous sommes en train de travailler besogneusement, ou chez nous scotchés devant un écran. Kary Mullis, prix Nobel de biologie en 1993 pour avoir inventé la PCR (une technique qui en plus de permettre aujourd’hui la plupart de nos tests COVID, a révolutionné tous les champs de la biologie et médecine), attribue ses découvertes à son temps consacré au surf, à de longs trajets en voiture … et au LSD.
Or, des découvertes récentes en neurosciences tendent à valider ces intuitions ! De nombreux travaux ont été effectués durant les dernières années sur, le «vagabondage de la pensée » (ce que les anglais appellent mind-wandering) : on estime que notre cerveau génère environ 2000 pensées chaque jour qui sont «auto-générées », c’est-à-dire conçues sans contrôle de notre conscience (même si nous sommes capables de les orienter partiellement). L’immense majorité de ces pensées automatiques, ne présentent bien sûr pas grand intérêt, mais des scans IRM ont identifiés qu’elles semblent générées principalement autour de l’hippocampe, une région de notre cerveau qui s’«allume» également lors d’épisodes de création artistique ! Dans des expériences de laboratoires, la créativité des sujets pour résoudre des problèmes non-conventionnels (la pensée « out of the box ») était amplifiée lorsqu’on leur donnait auparavant des tâches nécessitant peu de réflexions (leur permettant ainsi de se perdre dans leurs pensées par rapport aux individus contrôles, à qui on donnait des tâches nécessitant une pleine attention). Enfin, il semble que chez des adultes sains, ces pensées automatiques sont davantage tournées vers le futur proche que vers le passé : éviter de ruminer des ressentiments vécus et « vagabonder » en préparant les jours à venir paraissent donc la caractéristique essentielle d’une bonne santé mentale.
Prendre le temps de laisser son esprit en roue libre – par exemple en marchant, en faisant la cuisine, sous la douche – sans stimulations extérieures permanentes est donc crucial pour éveiller votre créativité… Mais est-ce suffisant ? De nombreux chercheurs en histoire des sciences, tels que Paul Rabinow, ont insisté sur le fait que les scientifiques aiment réinventer l’histoire de leurs découvertes, en se complaisant dans une idée du « génie » incompris, ayant eu un « euréka » solitaire envers et contre-tous. C’est la plupart du temps une illusion : ces grandes découvertes ne viennent qu’aux esprits bien préparés, ayant une connaissance extrêmement précise des recherches et des avancées de leurs collègues. Leurs moments de vagabondages, s’ils sont cruciaux et doivent être célébrés, viennent donc éclairer d’une nouvelle lumière une montagne de connaissance qu’ils ont lentement et patiemment bâti. C’est peut-être pour cela qu’un certain nombre de grands chercheurs, se mettent après leur grande découverte à se croire capable de donner leurs avis à tort et à travers sur des sujets auxquelles ils ne connaissent rien (avec des conséquences parfois dramatiques, comme dans le cas de Kary Mullis ayant nié publiquement et bruyamment le lien entre maladie SIDA et virus du VIH, ce qui a contribué à l’explosion de l’épidémie dans des pays qu’il conseillait comme l’Afrique du Sud).
Ces recherches nous poussent donc à remettre en cause notre vision du « génie » créatif ayant reçu ses talents de fées au berceau. Louis Pasteur, lorsqu’on l’accusait à chacune de ses découvertes majeures, d’être tombé dessus par hasard déclarait ainsi « La chance sourit aux esprits bien préparés ». La créativité est donc un muscle qui se travaille au quotidien, par un travail d’apprentissage traditionnel mais aussi en laissant en prenant des pauses contemplatives chaque jour : le temps de laisser son esprit vagabonder pas tout à fait librement.
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