La voie du bonheur, c'est de cultiver ce que je suis, avec sincérité, toujours.
Dernière mise à jour : 8 janv. 2021
Interview de Kareen Guiock
Dans ton métier, à quoi te servent tes études de philosophie ?
A remettre en question constamment. A comprendre les enjeux pour aller au-delà des réponses toutes faites et confortables. La philosophie est un atout extraordinaire dans mon métier de journaliste. Elle m’impose de prendre du recul alors que notre époque est à l’immédiateté, à l’actualité en temps presque réel. Tout doit aller toujours plus vite, entre le fait supposé et la diffusion de l’information. C’est un manque de distance qui menace la vocation même de notre métier. Aucune enquête, aucun travail de fond ne peut se faire en temps réel. La philosophie me le rappelle au quotidien.
Comment faire pour ne pas se comparer aux autres, suivre sa propre évolution, vivre heureux?
Se comparer est une étape à laquelle on ne peut pas échapper. Elle est essentielle pour comprendre à quel point elle est vaine. C’est aussi ça la philosophie. Faire pour déconstruire et passer à autre chose l’esprit tranquille. C’est cela l’expérience. Je l’ai compris assez jeune, j’ai eu cette chance. J’étais une très bonne élève et mes camarades de classe étaient des compétiteurs dans l’âme. Ce que je n’étais pas du tout. Ils voulaient absolument me battre. Or moi, ce qui m’importait c’était donner le meilleur de moi- même. Je ne voulais battre personne. Juste donner mon maximum. Je pouvais être extrêmement fière d’un 13 obtenu en maths avec acharnement et totalement blasée face à un 20 en anglais où j’avais des facilités. Et finalement d’avoir compris cela si jeune m’a épargné bien des tourments. Ne pas déterminer mes choix par rapport à ceux des autres. Ne pas me soucier du regard des autres. Ne pas hésiter à sortir des sentiers battus. Ecouter ma petite voix toujours. Cultiver ce que je suis (et que personne d’autre ne pourra jamais être). Avec sincérité. Toujours. La voie du bonheur. Comprends-tu le choix de Leila Slimani de quitter les réseaux sociaux?
Oh oui bien sûr. Les réseaux sociaux sont un concentré du pire et du meilleur. Je les adore, mais il faut les apprivoiser et toujours toujours penser à soi, prendre soin de soi, s’épargner. Je suis très active sur Instagram et fantomatique sur Facebook et Twitter, sinon cela deviendrait une activité à plein temps. Concernant Insta, je me suis rendue compte un jour que j’y allais toutes les 7mn à peu près. C’était devenu un tic. Il m’arrivait aussi d’être très agacée par les posts des vendeurs de rêves, les vendeurs d’illusions, en particulier dans mes jours gris. Et j’ai réalisé qu’il me suffisait simplement de ne plus les suivre. C’est ce que je mets dans « prendre soin de soi ». Dans mon entourage, des amis stalkent des gens qui les insupportent, les mettent sous pression. Je ne comprends pas. Les réseaux sociaux sont aussi le royaume des lâches, des délinquants anonymes. Il n’y a aucune raison de s’infliger cela, lorsque l’on est la cible de ces âmes en peine. Il ne faut jamais hésiter à revenir dans le réel quand le virtuel devient trop cruel. Comment as tu appris à dire Oui? à dire Non?
J’ai appris à dire NON grâce à mes prénom et nom. Leur orthographe m’a contrainte à me faire respecter. Surtout mon prénom, puisque généralement votre interlocuteur est soumis à une forme d’humilié face à un nom de famille. En revanche, je dois encore me battre pour que l’on écrive et que l’on prononce correctement mon prénom. Non, ça ne s’écrit pas Karine, mais Kareen avec 2E et ça se prononce « i » et pas « è ». Ca a forgé mon caractère. Ca m’a obligé à m’opposer à des professeurs, à des adultes donc, dès que j’ai su écrire et défendre mon état civil :-). Je suis persuadée que tous ceux qui ont assumé très jeune leur nom ou prénom hors norme ont un tempérament bien trempé. J’ai appris à dire OUI parce que mes parents sont des gens fondamentalement gentils, ma mère en particulier. Toujours prête à rendre service, à soutenir, à donner ou redonner le sourire. Un exemple magnifique. J’apprends aujourd’hui à limiter ma diffusion de OUI, parce que c’est un engagement et que je ne peux pas toujours l’honorer. Faute de temps. Ou parce qu’en raison de ma position, certains pensent parfois que je suis présidente du show business de l’Atlantique nord ou a minima du PAF et que je peux tout leur obtenir lol.
Comment conseilles-tu de sortir de sa zone de confort?
En n’oubliant jamais les rêves ou au moins les objectifs que l’on s’est fixé. Ils nous rappellent toujours que notre zone de confort est le fossé qui nous sépare d’eux. Mais sur ce sujet je suis devenue plus modérée. Je suis de ceux qui encouragent chacun à réaliser sa propre légende. Et puis j’ai compris que justement, pour certains, réaliser sa propre légende c’était s’installer dans sa zone de confort et ne jamais en sortir. Ce qui m’importe c’est ce que les gens soient heureux. Je ne discute plus la zone de confort de ceux qui sont épanouis et heureux d’avoir atteint un pallier même si je les projetais au sommet. Ce n’est jamais que ma projection. Ce n’est pas un poids que je dois leur imposer. Pour les autres, il y a souvent cette idée que les conditions ne sont pas réunies pour réaliser leurs rêves. Quand j’aurai plus d’argent, plus de temps, plus de ci ou de ça. C’est déjà une zone de confort mental que l’on se crée pour ne pas bousculer son quotidien. Aujourd’hui justement je crois que moins les conditions sont idéales et plus elles nous contraignent à trouver l’espace pour créer le changement. Comment le chant améliore-t-il ton bien-être et ta dose de bonheur ?
Je ne peux pas ne pas chanter, au quotidien. C’est un vecteur d’émotion extrêmement précieux. Ca me permet d’évacuer la tristesse, la colère, les tensions, de déployer la joie. Un jour un de mes voisins a confié à un de mes amis: j’habite au-dessus d’Aretha Franklin. Ca m’a fait rire mais j’ai un peu culpabilisé aussi. Il n’a toujours pas déménagé, donc c’est ce que c’est supportable lol. Mais la voix est une vibration. Elle soigne. Je le ressens particulièrement sur scène, moi qui chaque jour annonce bien plus de mauvaises nouvelles que je ne le voudrais. Eh bien j’utilise le même canal, le même chemin pour mettre de la douceur, de la tendresse, du sourire. Elle est là ma dose de bonheur. Chanter est une formidable thérapie.
A propos de Kareen Guiock
Auteure, compositeur.e et interprète, Kareen Guiock est journaliste et présentatrice du 12h45 sur M6.

Photo de Guillaume Aricique